Bonjour
Nous avons travaillé en six groupes en classe entière. Les élèves de l’atelier théâtre qui connaissaient le texte l’ont expliqué aux autres. Chaque groupe a exploré des pistes.
Puis l’atelier théâtre a repris chaque travail, a dégagé des points communs (fuite de Hakim devant la question, fragilité de Grace), a établi des structures qui ont été complétés dans un échange collectif.
mot de passe : laclasse.com
tour du monde from anommay on Vimeo.
Première proposition où Hakim refuse la discussion :
C’est vrai que vous vous êtes disputés ? Pourquoi vous vous êtes disputés ? Comment vous vous êtes disputés ? Quand est-ce que vous vous êtes disputés ?
Mais c’est quoi une dispute ? Pour vous c’est juste un amusement. Pour vous c’est que du spectacle.
Mais vous vous êtes disputés ? A propos de quoi ?
De tout et de rien.
Quel tout ?
Tu ne peux pas comprendre.
C’est quoi tout ?
C’est rien.
Quel rien ?
Tu ne peux pas comprendre.
C’est quoi rien ?
C’est tout.
Dis nous. Dis nous quoi !
Quoi.
Allez quoi, dis !
Deuxième proposition où Hakim répond mais en abordant des sujets plus ou moins liés :
Dans sa chambre, elle n’a rien laissé. Pas un mot. Pas une lettre. Tout est rose et blanc. Une vraie chambre de fifille. Sans problème apparent...
Alors vous vous êtes disputés ?
Dans sa chambre, elle n’a rien pris. Pas une affaire. Il y a ses jouets d’enfant. Son ordinateur. Ses livres qui parlent de voyage. Elle lisait le monde entier. Elle annotait chaque page qu’elle aimait. Il y avait une multitude de post-it de couleur qui faisaient comme les oiseaux qui virevoltent en sortant de leur cage sur les plages.
Alors cette dispute ?
A la télévision, j’ai vu que des enfants partent pour la Syrie. Ils y croient encore. Leur espoir est intact mais durera moins d’un an. Ils mourront simplement. Les pauvres bichoux. Ils sont manipulés.
C’est là où elle est ?
A la télévision, j’ai vu le Japon. Là-bas, ils travaillent. C’est tout un univers à découvrir. Ils travaillent les apparences. Un univers rose et blanc. Kawaï, sweet lolita et compagnie...
C’est là où elle est ?
Il y a des gens qui partent pour le plaisir. Les vacances. Pour se rapprocher de la famille. Ou la fuir. Se changer les idées. Trouver un trésor.
C’est ce qu’elle fait ?
Il y a des gens qui se suicident.
Troisième proposition où Hakim attaque plus les autres sur leurs attitudes et met en valeur Grace :
C’est la plus timide. C’est elle qui va au fond de la classe. Parfois même elle se cache derrière ses livres. Même les professeurs le marquent sur son bulletin « trop effacée » « doit s’affirmer » « doit oser prendre la parole », « libérer la parole ». Les idiots, ils ont rien compris…
C’est vrai qu’elle parlait peu.
C’est ce que j’aime chez elle. Sa discrétion. Sa légèreté. Sa transparence. Elle a sur les autres un regard différent. Elle a sur les mots un regard différent. J’ai cherché ces mots, je les ai pris…
Elle a disparu.
Et vous vous posez des questions hein ? ! Où elle est ? Comment elle est parti ? Avec son courage en bandoulière ou je sais pas quoi d’autre !!! Vous vous êtes disputés ? On est devenu une télé réalité pour vous !
On veut comprendre.
Comprendre ! Vous lui avez jamais parlé ! Pas un regard ! Pas un mot ! Ah si parfois pour se moquer ! Elle est même pas sur votre facebook ! Faut arrêter ! Elle a jamais été aussi présente pour vous que depuis qu’elle est absente.
Et toi ? Si t’étais son ami, qu’est-ce que t’as fait ?
Moi. Moi je me pose pas de questions. Moi je parle au présent. Moi je vais la chercher.
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Et voilà le texte de Bilel. Bilel d’habitude n’écrit rien... Nous aurions aimé le mettre en scène. Le rôle de Grace joué par un choeur de fille, Hakim tenu par les deux garçons de la troupe. Mais nous n’avons pas eu le temps...peut-être après les vacances :)
Et l’enfant ?
On le gardera. On le tuera.
Et le sang ?
Quoi le sang ?
Y en aura beaucoup ?
Je sais pas.
Et la douleur ?
Ce ne sera rien. Ça passera.
Et nos parents ?
Ils comprendront. Ils ne sauront rien.
Et après ?
Quoi après ?
On partira ? Tous les deux. Tous les trois.
Après n’existe pas.
Mais moi j’existe.
MERCI chers élèves de 4e du collège Georges Brassens pour ce joli cadeau que vous nous faites à tous et en particulier à moi, l’auteur de cette pièce en gestation. Merci et bravo pour cette vidéo qui nous permet de faire connaissance avec une partie de votre classe (l’atelier théâtre j’imagine) et qui nous fait entendre ce texte pour la première fois. C’est une grande émotion, pour un auteur, d’entendre son texte pour la première fois. (une première mondiale en quelque sorte !) J’aime ce joli travail de choeur (belle disposition de tous dans le cadre) et bravo pour avoir appris le texte si vite, je n’en reviens pas !
Je vous félicite aussi pour la qualité des textes que vous venez de poster. Il y a de tout dans vos scènes, de l’humour, de l’émotion, une attention portée aux mots et à la construction des phrases et des répliques, c’est un travail particulièrement complet et dont la richesse me réjouit.
Profitez de ces vacances pour découvrir ce que les autres classes ont proposé et quant à moi, plein d’idées, d’images, de pistes de travail, je vais reprendre la plume (l’ordinateur !) pour écrire la deuxième scène.
Rendez-vous au mois de novembre.
L’auteur.
C’est un joueur le Hakim de cette scène... Il cherche à se soustraire à la curiosité et à la pression des autres en jouant sur les mots. Belle construction de scène et de répliques ! J’apprécie le travail sur les mots : "C’est quoi tout ? C’est rien. [...] C’est quoi rien ? c’est tout." Hakim est seul face aux autres et on sent qu’il défend ou protège quelque chose, son amour pour Grace ? Un secret que partagent les amoureux ? Il y a un enjeu, protéger Grace, la retrouver...
Je verrais bien une réplique un peu plus longue de Hakim à la fin de cette scène, soit pour envoyer balader le groupe, soit pour leur révéler quelque chose ou pour donner une fausse piste. Puisqu’on lui dit de "dire" ("Allez quoi, dis !") je pense qu’il faudrait qu’il reprenne la parole, sans doute pour clore la scène.
Hakim, seul face au groupe, qui élude les questions, les détourne, cache-t-il quelque chose ?
Votre scène est très théâtrale, bien construite, claire dans sa situation et Hakim y apparaît énigmatique, mystérieux, ambiguë presque : est-il responsable de quelque chose qu’il cherche à cacher ? Pourquoi parle-t-il de Grace au passé ? Cherche-t-il à la protéger ? Les questions affluent et le suspense tient le lecteur en haleine. Hakim ne dit pas tout et un personnage qui cache son jeu est forcement intéressant. On devine qu’il est amoureux d’elle dans la façon qu’il a de décrire sa chambre ou ses habitudes. Au passage, belle image sur les post it multicolores qui virevoltent comme les oiseaux...
La fin de la scène est glaçante, on ne sait pas si ça s’est vraiment passé mais l’inquiétude de Hakim devient la nôtre. Il y a une belle efficacité dans cette scène. Très belle proposition.
Tiens, j’aime ces sonorités là : "Où Hakim attaque". Ca me plaît beaucoup, on devine les coups dans les sonorités : "où HaKKim aTTaQUE" Ca pourrait devenir le titre d’une scène. On verra...
Merci pour votre scène qui dresse les portraits des deux personnages principaux. On découvre que Grace est une grande timide et ce que dit Hakim d’elle est très beau. En parlant d’elle, Hakim se livre aussi. On devine qu’il en est amoureux : "Elle a sur les autres un regard différent. Elle a sur les mots un regard différent. J’ai cherché ces mots, je les ai pris…" C’est une vraie déclaration, ça ! Hakim apparaît comme un jeune homme sensible, poète (j’aime ça !), avec un monde intérieur très riche. En même temps, il est assez mystérieux. Du coup, il est très intéressant.
J’aime bien la fin, qui claque bien comme une fin : "Moi je parle au présent. Moi je vais la chercher."
Félicitations aux auteurs (un peu tout le monde si j’ai bien compris votre organisation) pour cette jolie scène, originale, touchante.
Magnifique !
Il est magnifique ton texte, Bilel. Il est tout simple, les répliques sont courtes, mais il dit l’essentiel. J’aime beaucoup, vraiment. Dialogue entre Grace et Hakim (je suppose...)qui nous fait comprendre que Grace est enceinte et que sans doute ils ont fugué ensemble (enfin s’ils n’ont pas fugué, ils sont isolés du monde car ils partagent ce lourd secret.) On sent bien la gravité de la situation, la peur, l’angoisse devant la naissance à venir et l’avenir incertain. C’est une situation exceptionnelle, anormale (il n’est pas normal pour une jeune fille de cet âge de tomber enceinte) et les deux amoureux sont paniqués (série de questions de... Grace, je suppose, quoique... : la possibilité de distribuer indifféremment dans le texte le rôle de Hakim et celui de Grace est extrêmement intéressante). On sent la fêlure chez les deux personnages (et l’apparition d’un désaccord "Après n’existe pas - mais moi j’existe"). Oui, ce texte mérite d’être testé, mis en scène par votre atelier théâtre, et j’aimerais bien voir ce que ça donne quand je viendrai vous voir en février. Eh oui, je vais venir vous voir ! Je pensais vous l’annoncer un peu plus tard, mais ton texte est tellement beau, Bilel, que j’anticipe...
Grace enceinte... Je n’y avais pas pensé et je mets ça dans un coin de ma tête. On verra si j’en fais quelque chose.
En tout cas CHAPEAU, Bilel, pour ton imagination, ton sens du rythme et la délicatesse de ton écriture.